08101962

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SAINT-MARCEL DE CRUSSOL

  • LUCE OBERTY ET L'AUTEL AUX COLOMBES

    Ces quelques lignes écrites par Luce Oberty, donnent sa vision de la découverte de l'autel paléochrétien de Saint Marcel et son jugement sur ceux que l'on appelait pas encore des "pilleurs d'antiquités". Elles sont extraites de ses écrit sur l'Ardèche qu'elle a tant aimé. 

    "En visitant le Musée Archéologique de Saint Germain en Laye, je m'arrêtai devant un vaste tableau représentant un camp de César dans la chaine du Coiron, au-dessus de la ville du Teil ; plus exactement au-dessus d'Alba (l'Alba Helviorum ou Alba Augusta des Romains). Alba petite bourgade aujourd'hui, autrefois opulente cité qui se tenait au rang de Vienne, Avigon, Nimes, viles latines.

    Tandis que je considérais cette penture qui me transportait dans mon Vivarais natal, l'on me signala un objet découvert en Ardèche. Cet objet dont l'origine remonte au premiers temps du Christianisme dans les Gaules est un autel sculpté de poissons, d'agneaux symboliques ou le monogramme du Christ est gravé.

    J'appris qu'avant d'être rendu à sa forme et sa destination primitives, cet autel - qui dut servir à la célébration des saints mystères au temps des premiers martys - cassé dans on ne sait quel choc, avait été divisé en deux moitiés à peu prés égales.

    L'une servait d'évier chez un barbier de Charmes. L'autre remplissait le même emploi chez une fermière de Saint Marcel de Crussol. Cette fermière - une des dernières habitantes du village en ruines - se nommait la mère Lise. Elle me faisait peur, car elle n'avait plus de nez, étant tombée pendant une sieste, au beau milieu de son âtre crépitant de flammes. Est-ce la punition de son sacrilège? Je ne le crois pas, car le barbier eût dû être puni aussi et la chronique ne dit pas qu'il le fût.

    Mais si les officiants, qui versèrent l'eau baptismale au creux de la sainte pierre, avaient prévu qu'aprés dix-neuf siècles d'évangélisation dans notre contrée, deux chrétiens verseraient au creux de cette même pierre (sans aucune malice et c'est ce qui les rédimera au jour du Jugement) une eau souillée par les lavages de vaisselle ou des savonnages de mentons, ils auraient reculé d'horreur et abandonné leur apostolat.

    Le Directeur du Musée de Saint Germain en Laye, délégué par la providence qui veille à la conservation des pieux ex-voto, vint à Charmes, vit l'évier du barbier, fit rechercher l'autre évier que l'on finit par découvrir, et les deux fragments réunis constituèrent un trés précieux objet d'art antique sauvé par miracle d'un sort peu glorieux.

    Oui ... mais combien d'autres objets non moins précieux n'échappent à l'avilissement ! Je songe à toutes ces portes en arc d'ogive, à toutes les fenêtres à menaux, à tous les écussons, à toutes les armoiries qui ont disparu des façades croulantes de mon village féodal. Je songe en soupirant aux usages imprévus et impies que durent faire les voleurs. Certains, sans doute, connaissaient le prix de ce qu'ils emportaient, mais ma colère contre ceux-là n'est pas moins grande que contre les ignorants qui s'emparèrent des vieilles pierres pour s'épargner l'achat de briques et de moellons et ornèrent l'entrée de leur hangar ou de leur étable d'une ouverture seigneuriale. Il est navrant de voir tout ce qui attestait l'Antiquté de Charmes peu à peu disparait. Seuls subsistent les grands vestiges. Un jour viendra où nos descendants emporteront aussi leurs pierres ... et ce n'est pas une consolation pour moi de me dire que je ne verrai pas ce jour"